La photo diffère de ce que mes yeux perçoivent parce que l’œil humain et l’appareil photo n’ont pas du tout la même manière de capter la lumière, les couleurs et la dynamique. Mon œil est un système vivant, adaptatif et sélectif, alors que l’appareil enregistre mécaniquement une portion « pétrifiée » de la réalité. Nous sommes bien d’accord : nous seuls décidons des paramètres de notre appareil….
Le cristallin et la pupille de l’œil humain se modifient en continu pour s’ajuster à la lumière et à la distance. L’appareil photo, lui, reste figé sur les réglages choisis.
L’œil humain perçoit simultanément les zones très claires et très sombres grâce à la rétine et au cerveau qui fusionnent les informations. Un capteur photo a une dynamique limitée ; aussi intelligent que soit notre appareil, il ne peut en aucun cas remplacer le cerveau (du moins pas encore aujourd’hui ! )
L’œil ne se contente pas de recevoir des longueurs d’onde, il interprète les couleurs selon le contexte, votre mémoire et vos émotions, et en particulier celles du moment présent. L’appareil, lui, enregistre des données brutes, sans cette subjectivité.
En gros, mon cerveau filtre ce qui est important, embellit ou corrige certains détails tandis que l’appareil reste impartial : il montre aussi ce que je n’avais pas remarqué ou ce que j’aurais préféré ignorer. Pensez par exemple à cette poubelle dans le coin gauche de votre photo et que, de prime abord, vous n’aviez pas remarqué !
Car l’œil voit en 3D… l’appareil en 2D : une notion loin d’être subtile ! Nos deux yeux créent une image stéréoscopique et notre cerveau reconstruit la profondeur et le mouvement ; la photo fige une seule perspective en deux dimensions.
En cours d’optique – qui sont fort fort loin ! – j’avais bien appris que nos deux yeux, légèrement espacés, captaient chacun une image différente ; le cerveau les fusionne pour créer cette perception de profondeur ; ainsi je suis en capacité de ressentir intuitivement les volumes, les distances entre les objets, et même leur texture. Si mon regard bouge je perçois alors l’environnement dans son ensemble, avec des repères sensoriels et émotionnels.
La photographie ne peut être une copie de la réalité, mais une interprétation. Elle traduit un instant T selon les limites techniques de l’appareil et le choix du photographe, autant que faire ce peut....
Et pour se rapprocher de la vision humaine, il faudra jouer sur l’exposition, la balance des blancs, et connaître « un peu » la retouche. En jouant sur l’ouverture, il est possible de créer des flous d’arrière-plan qui donnent du relief ; en se plaçant dans un angle, on accentue les lignes de fuite ; il faut penser ombres, reflets, contre-jour pour donner une sensation de volume. Et surtout : bien maîtriser son appareil...
Notre œil est un instrument vivant et sensible, alors que notre appareil est un outil technique. La magie vient justement de ce décalage : la photo ne reproduit pas notre regard, elle le transforme.


































